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La scénarisation pédagogique, un outil efficace pour innover sans numérique

Un nouveau scénario pédagogique, centré sur l’approche par projet, peut améliorer fortement la motivation étudiante. Retour d’expérience réussi en BUT GEA.

Le CEMU lance régulièrement des appels à projets autour de l’innovation pédagogique. Or, trop souvent encore, la notion d’innovation est associée au numérique. Pourtant, une nouvelle scénarisation peut être un outil tout aussi puissant ! Retour sur un accompagnement qui a porté ses fruits, avec comme éléments pédagogiques clés la mise en action, le rythme, et la co-intervention.

Le contexte

Anne Petron et Yassine Ininou, enseignants en première année du BUT GEA, souhaitent faire évoluer leur cours de gestion de projet. Ils répondent à l’appel à projets 2023-2024 du CEMU et proposent de transformer les exercices réalisés en TD présentiel en activités sur la plateforme ecampus.

L’accompagnement pédagogique permet d’abord d’identifier précisément la problématique (manque de motivation : les étudiants ne réalisent l’intérêt de l’enseignement qu’au second semestre lorsqu’ils sont confrontés à leur projet tutoré) et de redéfinir les objectifs, en scénarisant une approche pédagogique par projet.

Il s’agira de demander aux étudiants de réaliser par groupe la charte de projet détaillée de l’organisation d’un évènement de cohésion. L’évènement retenu par le jury (les étudiants des BUT 1 et 2 et les deux enseignants) sera l’objet d’un projet tutoré au second semestre. Les critères d’évaluation sont l’attractivité de la proposition, et sa solidité.

Les modalités

Co-création, co-intervention

Les cours prévus étaient des cours magistraux à 80 étudiants. Cette planification a été revue par les enseignants pour être entièrement dispensée en TD afin de pouvoir circuler entre les groupes et les guider en fonction de leur avancement. Tous les contenus de cours ont été coconstruits et même si la planification ne le prévoyait pas, de nombreuses séances ont été faites en co-intervention.

Rythme

L’enseignement a été constitué de 10 séances d’1h30 construites de manière identique : un apport théorique (20 à 45 min) puis un travail de groupe sur le projet avec un livrable intermédiaire attendu pour chaque phase. L’objectif de ce découpage est de soutenir l’attention.

Pourquoi l’approche par projet ?

  • Proposer une activité motivante (d’après R. Viau, 1997, et autres travaux)
    • Valeur perçue : l’objet du projet est d’organiser un évènement de cohésion qui bénéficiera aux étudiants de la formation. Le projet retenu sera réellement réalisé par une équipe de projet tutoré. La théorie développée va donc avoir une application concrète et immédiate dans le réel.
    • Sentiment de contrôle : la possibilité de choisir le projet pour lequel on va travailler sur une charte est un élément contrôlable. Ensuite, l’idée retenue sera celle qui ressortira lors d’un vote non seulement sur l’attractivité, mais aussi sur la robustesse de la proposition, donc plus le travail est sérieux, meilleures sont les chances de succès.
    • Compétence perçue : l’objet du projet est une activité de cohésion. Le sujet est proche des réalisations personnelles des étudiants et semble donc accessible. Par ailleurs, le scénario du cours, explicité en début d’enseignement, prévoit un accompagnement étape par étape et des livrables intermédiaires. Il donne confiance en la capacité à produire le livrable final.
  • Faire vivre une expérience de gestion de projet pour mettre en œuvre les apports théoriques au fur et à mesure de l’avancée du projet. En effet, la mobilisation des connaissances sur un cas concret permet d’ancrer les connaissances et d’aller au-delà de son sentiment de compréhension en se confrontant à la mise en œuvre. Toucher les limites de sa maîtrise pour approfondir le sujet.
    • Perrenoud (1998) précise, citant Vygotski, « le projet n’est pas une fin en soi, c’est un détour pour confronter les élèves à des obstacles et provoquer des situations d’apprentissage. […] pour apprendre, il faut que chacun soit mobilisé dans sa zone de proche développement, zone où, par définition, il peut apprendre, mais n’a pas déjà appris, zone où il hésite, va lentement, revient sur ses pas, commet des erreurs, demande de l’aide. »
  • Aligner l’activité avec les objectifs et la nature de l’enseignement : proposer une activité en groupe pour faire vivre les enjeux relationnels forts qui sont impliqués dans la gestion de projet.

Les retours…

Des enseignants

« L’accompagnement du CEMU nous a permis de déconstruire tous nos repères “classiques”, puis surtout de reconstruire une pédagogie nouvelle basée sur le travail en équipe et l’apprentissage par des cas pratiques. Ce travail a été non seulement motivant et passionnant, mais il nous a permis de repenser totalement le cours autour de projets de cohésion imaginés par les étudiants. Ces projets réels nous ont permis d’introduire tous les outils de la gestion de projet avec une grande facilité au niveau des apprentissages. »

La co-intervention donne la possibilité d’accompagner les groupes de façon personnelle. Cette proximité a permis de les débloquer, éviter le décrochage et s’assurer de l’acquisition de la théorie.
« Notre suivi tout au long du semestre a amené les étudiants à nous poser des questions pertinentes, qui ont permis leur montée en compétences. […] Le retour est extrêmement positif puisque les étudiants ont rempli la charte au fur et à mesure de l’avancée du projet, en se répartissant le travail et en corrigeant avec l’avancée des séances leur partie, mais également celles des autres étudiants de leur groupe. Ils ont surtout compris l’importance de la charte dans l’analyse du périmètre du projet, des délais ou encore des coûts prévisionnels. »

Sur le plan de l’enseignant, la co-construction et le fonctionnement en binôme sont stimulants et permettent d’aller plus loin et s’appuyant sur la complémentarité des profils.
« Cette co-intervention s’est extrêmement bien passée. Elle a permis une intervention beaucoup plus qualitative et finalement souple que si nous étions intervenus chacun de notre côté. »

Des étudiants

Un questionnaire d’évaluation de l’enseignement par les étudiants a permis de confirmer leur motivation, leur plaisir de travailler en autonomie et par groupes. Ils ont très majoritairement estimé le format adapté aux objectifs, ont perçu leur montée en compétence et eu un intérêt pour la matière.
Les étudiants de BUT2 invités aux votes qui avaient eu l’ancienne version de l’enseignement ont manifesté leur envie d’avoir cette vécu les cours de gestion de projet de façon.

Et ensuite ?…

Suite à l’accompagnement pédagogique du CEMU et la refonte de l’enseignement du semestre 1, celui du semestre 2 a été revu sur le même principe, avec pour projets centraux les projets tutorés. Le découpage en phases identiques a été maintenu et les objectifs et les livrables approfondis.

Une amélioration de la qualité globale des projets tutorés a pu être observée :

« L’évaluation des chartes de projet s’est avérée très qualitative. Les notes sont excellentes. Tous les groupes ont fait un effort important et nous n’avons pas eu de rendus de faible niveau. […] Chaque groupe d’étudiants va continuer son projet tutoré sur la deuxième année de BUT en partant de la charte rédigée. Le travail préparatoire est franchement satisfaisant et qualitatif. » Anne Pétron