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Faire communiquer les étudiantes et étudiants en amphithéâtre, une expérience d’apprentissage entre pairs

  • Dernière modification de la publication :4 juillet 2025
  • Post category: Innovation pédagogique

La configuration de l’amphithéâtre permet difficilement la communication entre étudiantes et étudiants : comment y remédier ? Quel degré de pédagogie active peut être imaginé en amphithéâtre ? Découvrez l’expérimentation menée par une enseignante en Économie.

Quand l’hybridation laisse de l’espace à la coopération

L’expérimentation proposée par Muriel Gilardone, maîtresse de conférence en économie, avec les étudiantes et étudiants de L1 Économie et Gestion a eu lieu lors d’un cours hybride de « compétences rédactionnelles, communication et initiation à la recherche ». Ce cours impliquait de façon logique la nécessité de créer un espace pour la communication orale et écrite de résultats de recherche, un dispositif permettant de proposer une approche coopérative lors d’un cours en amphithéâtre.

Quelle intention pédagogique ?

L’idée était de faire réaliser un poster scientifique lié à l’économie d’une plante consommée au quotidien. Elle a été inspirée par un travail interdisciplinaire de recherche sur les plantes, au sein duquel Muriel Gilardone avait proposé un regard d’économiste, ainsi que par sa participation à un atelier « où atterrir » lors du turfu festival de 2024 . Le choix de l’approche est quant à lui issu d’une précédente expérience d’apprentissage entre pairs convaincante sur le plan de la participation et de l’apprentissage. 

« Mobiliser cette approche avec un grand effectif n’est pas le plus confortable, mais il s’agissait de tenter le coup pour ne pas priver les étudiantes et étudiants des bénéfices en termes d’apprentissage par la mise en action directe » – M. Gilardone

Les objectifs pédagogiques de cette expérimentation étaient multiples :

  • partir d’expériences personnelles et d’éléments du quotidien pour motiver et décloisonner la perception de l’enseignement ;
  • être en situation de communication orale pour progresser et conserver leur attention ;
  • mener des recherches ;
  • produire un document scientifique écrit, analytique et synthétique (ici, un poster) ;
  • prendre du recul sur ses choix de communication et la qualité de ses sources.

Mise en œuvre et conditions pour un travail de groupe efficient

Être en position de travailler : la gestion du bruit et de l’espace

Pour envisager des travaux de groupe en amphithéâtre, avoir un niveau sonore acceptable et la possibilité de circuler entre les groupes, la capacité de l’amphithéâtre doit être au moins 50 % plus importante que le nombre de participants (ici, 190 places pour 122 personnes au maximum, et 250 places pour 151 personnes). Pour un effectif de L1, il a donc fallu diviser la promotion en deux : une partie en présentiel et l’autre à distance.

Saisir l’objectif : la présentation du plan de cours et des consignes

Transmettre des consignes de travail complexes qui visent la mise en action de 100 personnes dans un amphithéâtre est un défi en soi, tout particulièrement lorsque l’on parle d’un travail coopératif rythmé par un enchaînement de séquences courtes.

Un plan de cours du semestre précisant la modalité et les objectifs des différents temps a été mis en ligne sur la plateforme Ecampus et présenté de façon détaillée à la première séance. Ce support a été remobilisé au début de chaque séance pour permettre aux étudiantes et étudiants de se situer dans la logique du cours.

Un plan de séance : communiqué en début de cours, il donnait des repères sur l’enchaînement qui allait se dérouler, les cours en présentiel étant rythmés par les apports de l’enseignante, la transmission des consignes et des temps d’échanges en groupe. Chaque consigne était passée à l’oral et affichée de façon claire durant toute la période où elle devait être appliquée.

►Une répétition de cycles : le schéma des séances était relativement similaire pour gagner en efficacité dans la compréhension des consignes au fil du temps.

À distance, une consigne unique et un forum dédié à la séance étaient mis à disposition pour pouvoir éclaircir la demande. Un courriel était envoyé à la promotion une semaine avant pour clarifier le travail préparatoire attendu, les modalités d’organisation et préciser la rubrique où le devoir devait être déposé sur Ecampus.

Rester mobilisé : les étapes du travail de groupe

Les temps de partage commençaient par un temps de réflexion individuelle pour répondre aux questions posées.

Ensuite, pour les échanges, des rôles tournants matérialisés par des cartes (disponibles sur demande au CEMU) étaient répartis au sein du groupe :

  • gardien ou gardienne du temps ;
  • orateur ou oratrice ;
  • interviewer, intervieweuse ;
  • scribe.

Chaque séance mettait en œuvre une trame à compléter par les groupes qui devaient être rendue en fin de séance avec pour objectif que les étudiantes et étudiants prennent en note les partages individuels et les synthèses collectives des échanges. La mise en place de cette mécanique permettait d’assurer une participation de toutes et tous dans les différents rôles et ainsi d’éviter les baisses d’attention dues à la passivité.

Lors des séances à distance, un devoir était également à remettre systématiquement afin de rythmer le travail et d’engager les apprenantes et apprenants.

Groupe coopératif ou collaboratif ?

Pour Sylvain Connac, « quand on coopère, on agit à plusieurs ; pour collaborer, on travaille ensemble ». La collaboration est souvent observée dans les travaux de groupe et elle se fonde sur une répartition des tâches en fonction des points forts de chacun. Des rôles de concepteurs se dégagent pour les apprenants les plus à l’aise et les tâches qui en découlent sont prises par d’autres qui ne progresseront pas sur l’objectif principal de la tâche. Si dans le domaine professionnel la collaboration peut correspondre à une organisation solidaire et rationnelle, dans l’enseignement supérieur on cherchera plutôt à faire progresser chaque personne et à éviter les reproductions sociales induites par les situations de collaboration.

La coopération quant à elle implique des :

  • actions combinées ;
  • intentionnelles ;
  • et un bénéfice individuel.

Il faut pour cela que les apprenantes et apprenants réalisent les mêmes tâches, et qu’ils et elles voient le groupe comme un levier de progression personnelle. Le travail de groupe réalisé dans cet enseignement est parent d’une coopération dans les aspects suivants :

► La rotation des rôles et des tâches, lors des temps de partages, a amorcé cette dynamique coopérative. En effet elle est mentionnée par Philippe Meirieu comme « la condition essentielle pour qu’une pratique coopérative puisse se dire authentiquement “pédagogique” ». Elle a été renforcée par la mise en commun des recherches du groupe. On notera également que l’évaluation formative entre pairs des productions individuelles offre un espace d’appropriation des éléments clés et d’analyse des productions permettant d’aller vers des objectifs d’apprentissage plus profonds.
 Il faut également mentionner que la mutualisation des travaux de recherche réalisées à distance a été un levier important de progression de la qualité des recherches individuelles. Plusieurs étudiantes et étudiants ont demandé en cours de processus s’il était possible de retravailler les devoirs précédents déjà rendus, pour améliorer la base de travail. 

Une évaluation individuelle et transparente
 
L’évaluation entre pairs était basée sur les critères de l’évaluation finale du poster. La consigne des éléments à expliquer par celui qui présentait reprenait les éléments de l’écrit réflexif qui étaient attendus pour l’évaluation terminale. Aucune surprise n’était associée à l’évaluation et le rôle du groupe était purement de permettre à chacun de consolider sa production et son analyse de celle-ci. L’évaluation étant individuelle et réflexive sur le processus, elle ne pouvait pas reposer sur le travail d’un tiers. Parallèlement, l’attente d’une réflexivité expérientielle concernant le choix des sources, leur mise en résonance problématisée, et leur mise en valeur synthétique et schématisée, rend le recours à l’intelligence artificielle quasi inefficace. 

Bilan

Côté étudiantes et étudiants

La mise en place d’un questionnaire d’évaluation de l’enseignement montre que les étudiantes et étudiants ont perçu :

  • une amélioration des compétences en recherche documentaire ;
  • une meilleure capacité à structurer une problématique, formuler un titre, et organiser une démonstration logique ;
  • une aisance accrue à l’oral, un développement de la confiance en soi, et une capacité à formuler ses idées ou à accepter les critiques constructives ;
  • un développement de l’auto-critique pour s’auto-évaluer et s’ajuster.

La majorité des répondantes et répondants jugent le format de l’enseignement comme intéressant, motivant et pertinent vis-à-vis du sujet. Ils indiquent également que la demande de livrables intermédiaires les a aidé à fournir un travail régulier.

Les points d’amélioration qui ressortent sont la durée des séances en présentiel (2h30 ou 3h lors de cette première expérimentation) et la clarification de l’attente concernant le contenu du poster.

Côté enseignante

Muriel Gilardone souhaite prolonger cette forme d’enseignement pour l’année prochaine.

Ce fut un réel défi de mettre en place cette expérience d’apprentissage entre pairs, avec des grands groupes. La phase préparatoire est un travail de précision pour que chaque séance ne laisse pas de place à la confusion, ni à la répétition, qui entraîneraient une perte de l’attention et de l’engagement dans un processus où chaque étape compte pour la production finale attendue. 

Au terme du semestre, il m’a semblé que cette approche moins théorique de la méthodologie de la recherche, avec des mises en pratiques progressives et cumulatives, cherchant à rompre avec l’isolement souvent vécu dans les apprentissages de Licence, a été très formatrice. Le thème des plantes a surpris au début car ce n’est pas un thème standard des études d’économie et de gestion, mais la plupart a vu la richesse que cela ouvrait en termes d’histoire économique, de compréhension de certains enjeux écologiques et sociaux de nos modes de production, d’échange et de consommation.

Et ensuite ?

Muriel Gilardone compte améliorer certains points l’an prochain :

  • consolider le socle de connaissances issues du S1 et offrir une meilleure vision de l’attendu en proposant un temps d’analyse critique de posters scientifiques antérieurs et de leurs sources ;
  • redécouper en séances plus courtes pour une meilleure attention ;
  • retravailler l’évaluation pour alléger le volume de correction nécessaire ;
  • améliorer le dispositif de mise en groupe pour limiter les temps de flottement au démarrage et ne plus nécessiter le soutien d’une seconde animatrice en début de séance (ici une ingénieure pédagogique) ;